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C LIGES 271

dire, clergie et chevalerie sont tousjours si d'un acort que l'une ne peut sans l'autre : tousjours se sont ensemble tenues, et encore. Dieu merci, ne se départent eles mie. En trois régions ont habité en divers tens : en Grèce régnè- rent premièrement, car en la cité d'Athènes fu jadis li puis de philosophie et en Grèce la fleur de chevalerie ; de Grèce vinrent puis a Rome ; de Rome sont en France venues : Dieu par sa grâce veuille que longuement i soient maintenues ' .

Si l'on considère que les deux derniers membres de phrases non seulement offrent le même sens que les vers 35-36 de Cli- gês, mais se terminent respectivement par les mêmes mots qui riment ensemble, on pensera que le rédacteur des Grandes Chro- niques a pris ce morceau à Chrétien ; c'est une nouvelle preuve de la célébrité de notre poète et de la diffusion de ses œuvres ^. Mais lui-même, je le répète, avait dû puiser cette idée à une source latine,- et je signale aux historiens de la nationalité fran- çaise l'intérêt qu'il y aurait à retrouver cette source.

Après ce prologue, le poète entre en matière. C liges est com- posé comme plus d'un roman du moyen âge : le thème choisi ne suffisant pas à fournir un récit assez étendu, — les romans devaient avoir au moins six à sept mille vers, — le poète l'al- longe soit en y introduisant des épisodes qu'il invente, soit en lui donnant pour préambule l'histoire du père de son héros '.

��1 . Les Grandes Chroniques de France, éd. P. Paris, t. I, p. 4.

2. Les vers de Rustebeuf cités par M. Fôrster (p. 176) sont aussi inspirés de notre passage ; seulement Rustebeuf ne parle que de la chevalerie (à l'in- verse de Gérard d'Auvergne), et associe la Bretagne à la France. — Il est plus curieux de retrouver cette glorification de la France chez un poète alle- mand : l'auteur de Mauricins von Craon développe longuement la formule de Chrétien : la chevalerie, dit-il, a commencé chez les Grecs, au siège de Troie, puis a passé à Rome, où elle a fleuri jusqu'à ce que Néron brûlât Rome ; alors elle passa en France, où, sous Charlemagne, elle atteignit une grande splen- deur ; elle y brille encore, elle y est honorée et célèbre, et par l'enseigne- ment des Français mainte contrée s'est beaucoup améliorée dans la chevale- rie (voir Roniania, t. XXIII, p. 466 [c. r. par G. P. de Morii von Craon, éd. Schrôder]). Le poète allemand laisse de côté la clergie ; mais il célèbre en revanche la galanterie des Français.

3. M. Fôrster cite avec raison VEscoufle, où l'histoire du père de Guillaume forme un préambule très superflu ; il y en a un du même genre, quoique plus

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