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CLIGÈS 317

se comprend, — plus d'une fois, et dans des formes très anciennes et très importantes '.

En regard de ces versions françaises, la légende de la femme de Salomon se retrouve dans des versions slaves et allemandes étroitement apparentées, qui remontent certainement à un roman, sans doute à un poème, byzantin perdu ^ Ce qui carac- térise ce poème, — conservé en général plus fidèlement dans les dérivés slaves que dans les dérivés allemands, — c'est qu'il comprend une seconde partie : le mari (Salomon) ^ se met à la recherche de sa femme, est trahi par elle et livré au roi étranger qui l'avait enlevée ; mais il échappe à la mort qu'on

��1 . Ce motif du narcotique appartient à un autre cycle de récits, celui qui nous montre une jeune fille se faisant passer pour morte et enterrer afin d'échapper à un mariage odieux. On le trouve déjà dans le roman grecd'i/a- brocomcs et Anthia (voir Rohde, Der griechische Roman, 2^ éd., p. 415 ; seu- lement ici l'héroïne croit boire un poison mortel, et celui qu'elle aime n'est pas au courant), et il forme, avec le thème de Pyrame et Thishé, un des élé- ments du conte de Roméo et Juliette (Masuccio, Luigi da Porta, Bandello). Il reparaît dans une série de chants populaires (voir le n° 96 des English and Scottish Ballads de Child et le commentaire du savant éditeur), dans plusieurs desquels s'est introduit le trait, emprunté à notre cycle, du plomb (ou de l'or) fondu dont on perce les mains de la prétendue morte.

2. Le conte qui a servi de base à la première partie de VÉracle de Gautier d'Arras se retrouve de même dans des versions slaves et allemandes ; mais pour celui-là nous avons un poème grec (seulement, il est vrai, du xv^ siècle), le Ptocholéon. Dans les deux cas, les versions slaves, — qui remontent à un intermédiaire bulgare ^tràu (yo'ir Archiv fiïr slavische Philologie^ x. I, p. 109), — indiquent avec certitude un original grec. On trouvera toute la « littérature » du sujet, due surtout à M. Vesselofsky en Russie et à M. Vogt en Allemagne, dans l'excellente notice mise par Child en tête du n" 266 de ses English and Scottish Ballads.

5. Dans les hylines russes et dans les poèmes allemands, ce Salomon n'est pas le Salomon biblique, mais un roi chrétien régnant à Jérusalem. Cet accord rend probable qu'il en était déjà ainsi dans le poème byzantin ; toutefois dans les hylines russes elles-mêmes il y a de nombreuses traces de la forme primi- tive (ainsi Salomon est donné comme fils de David, il a pouvoir sur des génies ou êtres fantastiques, etc.) ; les contes populaires slaves attribuent formellement l'aventure au grand Salomon,

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