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326 LE ROMAN

caresses de son époux ') ; pour justifier^ d'ailleurs, la conduite des amants, Alis dut avoir épousé Fénice contrairement à sa promesse et aux droits de Cligès (idée dont Chrétien trouvait le germe dans le Tristan de Thomas^). Le poète champenois a ainsi composé une œuvre très intéressante, — bien qu'elle pré- sente plus d'une maladresse et d'une incohérence, — qui, mal- gré la provenance très diverse et, en partie, très ancienne des éléments dont elle est formée, est essentiellement de son temps et de son pays, médiévale et française, par l'esprit qui y règne comme par l'exécution et le style, et qui a transformé en un panégyrique de l'amour libre, placé hardiment au-dessus de tous les devoirs religieux et de toutes les conventions sociales, un conte originairement inventé pour présenter sous les plus noires couleurs la ruse et l'indomptable ténacité que savent déployer les femmes pour satisfoirc leurs passions les moins excusables 5.

[Journal des Savants, février, juin, juillet, août et décembre 1902, pp. 57-69, 289-309, 345-357, 438-458, 641-656.]

��1 . C'est sans doute cette première intervention de Thessaia qui a amené l'introduction du second hoivni composé par elle, qui donne à Fénice l'insen- sibilité. Nous avons vu que cette donnée se trouvait d'ailleurs dans un autre conte, où Chrétien a pu la prendre, et d'où elle avait déjà passé à diverses formes de l'histoire de la feinte morte.

2. Voir Foerster, p. xxxi. Au reste, dans Tristan, on comprend très bien que les hommes de Marc, jaloux de Tristan, poussent Marc à se marier mal- gré sa promesse et que Tristan ne s'y oppose pas ; dans Cligès, on ne voit pas pourquoi les barons grecs poussent Alis à violer son engagement, et pour- quoi Cligès le laisse faire sans protester. — fe prends cette occasion pour signaler encore un rapprochement avec le Tristan de Thomas : quand Tristan part pour l'Ermenie, Marc lui donne des armes, et lui offre de choisir entre ses chevaux, exactement ce que fait Alis avec Cligès quand celui-ci pan pour la Bretagne (ci-dessus, p. 307, n. 3).

3. Mon savant ami et confrère Ad. Mussafia vient d'imprimer dans les Comptes rendus des séances de l'Académie de Vienne un très intéressant article sur Cligès. Il fait au texte, — qu'il avait déjà une première fois contribué à améliorer, — plusieurs corrections dont quelques-unes coïncident avec les miennes, dont d'autres en diffèrent (et sont sans doute préférables), dont

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