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AMADAS ET IDOINE 333

des changements voulus et pratiqués avec intention. De quel côté est le texte original ? Il n'est guère possible d'en douter. Les formes continentales n'avaient rien qui pût choquer un Anglo-Normand du commencement du xiii* siècle : il les admettait, soit pour la phonétique^ soit pour la morphologie, à côté de celles qui lui étaient propres ; il n'aurait pas eu l'idée de changer les rimes en é: ié pour en faire des rimes en é : (', ou de détruire avec acharnement la déclinaison à deux cas '. Au contraire les formes anglo-normandes, l'élision de Ve en hiatus, la réduction de ié à é, l'emploi de l'accusatif pour le nominatif, choquaient un Français du continent et l'engageaient, s'il voulait faire goûter à ses compatriotes un poème écrit en Angleterre qui présentât ces particularités.et d'autres analogues^, à les faire disparaître par un travail attentif, qui devait souvent aller jusqu'à refaire complètement ou à supprimer certains pas- sages. C'est un travail de ce genre dont nous avons le résultat dans le ms. P. d'Amadas \ et il résulte de là avec certitude que

��1 . Il est vrai qu'on a des transcriptions anglo-normandes de poèmes con- tinentaux dans lesquelles les formes originales sont souvent remplacées, même à la rime, par des formes insulaires ; mais il est aisé de voir que ce sont des copies faites avec une grande négligence, et pour lesquelles il faut parfois admettre l'intermédiaire d'une transmission orale. Au contraire le manuscrit d'où proviennent nos fragments est évidemment très voisin de l'original et est l'œuvre d'un scribe attentif: les altérations, de quelque côté qu'elles proviennent, ont été faites volontairement.

2. Un tel poème pouvait très bien ne pas les présenter. Des Anglais de race écrivaient le plus pur français ; on n'a relevé par exemple aucun trait anglo- normand dans VIpomedon de Huon de Rotelande.

3. Ce travail serait intéressant à étudier de près ; il est en général fait avec beaucoup de soin ; toutefois le reviseur a laissé passer quelques endroits qui auraient dû appeler des corrections ; ainsi v. T136 (G, I, 30) il garde la rime de sorciddee avec desvee, tandis qu'il faudrait sonuidiee (Wace, il est vrai, a cuider.) On trouve des traces semblables, mais très légères, d'anglo-norman- nisme dans le reste du poème, pour lequel l'élément de comparaison nous fait défaut (cf. Andresen, p. 86, n. i, où il faut cependant supprimer l'exemple du v. 286, mal imprimé par Hippeau.) — La leçon refaite pour les besoins de la rime ou de la mesure est naturellement souvent inférieure à la leçon originale: cela est sensible notamment aux vers 1155-6, 1196-99,

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