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HISTOIRE DE LA LITTERATURE FRANÇAISE 4I

Telle qu'elle est, elle n'en est pas moins fort intéressante et riche en traits justes et souvent nouveaux. Sans me départir de l'ordre que l'auteur a cru devoir adopter, je vais signaler ce qui m'a frappé en la lisant et noter çà et Là quelques divergences ou quelques doutes.

I. La littérature sous les rois anglo-normands (p. 105-115). — Je doute que la rédaction en français des lois de Guillaume soit aussi ancienne que le dit l'auteur (p. loy)!']. — Il ne me paraît pas prouvé que le beau Débat du corps et de l'âme soit anglo-normand (p. 107) [-]. — Dans l'excellente notice sur le roman de Horn (p. 109), je remarque que l'auteur place la rédaction française sous le règne d'Etienne, donc avant 1 1 54 : on ne la fait pas d'ordinaire remonter si haut ; cette date, fort importante, n'est certaine- ment pas donnée au hasard et doit reposer sur des observations linguistiques de l'auteur, si compétent dans le domaine anglo- normand ; il serait à désirer qu'il les fît connaître. — Je vois avec plaisir M. Suchier (p. m) admettre comme moi que l'origine directe des poèmes français sur Tristan est anglaise; mais il me semble que les raisons qui le lui tont admettre devaient lui suggérer la même conclusion pour plusieurs au moins des lais de Marie. Sur le fragment qui nous est arrivé avec le nom de Béroul, l'auteur fait une conjecture extrême- ment ingénieuse. On sait que ce fragment, dans sa première partie, coïncide avec le poème allemand d'Eilhart d'Oberg, tan- dis que par la suite les deux poèmes diffèrent tout à fait. Cet état de choses, dit M. Suchier (p. 112), pourrait s'expliquer de la façon suivante. La vertu du breuvage d'amour que Tristan partage avec Iseut n'est pas ici, comme dans les récits posté- rieurs, d'une durée illimitée : elle dure quatre ans (Eilhart) ou trois ans (Béroul), pour ensuite s'effiicer. Cette disparition du charme et la restitution d'Iseut à son mari par Tristan, qui en est la conséquence, formaient sans doute la fin du plus ancien Tristan. Si Eilhart et Béroul vont ensemble précisément jusqu'à ce point, et continuent ensuite par de nouvelles aventures des deux amants tout à fait différentes dans chaque texte, l'expli- cation la plus simple est d'admettre qu'au Tristan primitif on a

��1. [Cf. Romania, XXIX, 153-4.]

2. [Cf. ci-dessous, p. 91.]

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