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42 LITTÉRATURE FRANÇAISE AU MOYEN AGE

fait deux continuations indépendantes l'une de l'autre. Cette explication est très séduisante ; j'hésiterais seulement à croire que la forme la plus ancienne de la légende fût celle qui limitait à trois (ou quatre) ans l'effet du lovendranc : ce n'est pas seule- ment parce qu'elle est beaucoup moins poétique que l'autre, c'est parce qu'on ne voit pas qu'elle puisse fournir au poème un dénouement acceptable. Que Tristan rentre à la cour de Marc et vive désormais auprès d'Iseut dans des relations de simple amitié, cela ne paraît guère admissible ; qu'il s'éloigne d'elle et coure d'autres aventures sans rapport avec son amour, cela ne se comprend pas bien non plus '. Je pense donc que M. Suchier a trouvé la vérité en ce qui concerne le poème de Béroul (et le poème très voisin qu'a imité Eilhart) : ce poème supposait la vertu du philtre bornée à trois (ou quatre) ans et se terminait par le retour des deux amants, désormais indifférents l'un à l'autre, à la cour de Marc, qui leur pardonnait ; mais ce n'était là qu'une variante imaginée par quelque poète auquel avait manqué la suite du récit, et la légende ancienne, qui ne limitait pas l'effet du philtre, comprenait la séparation forcée des amants, le mariage de Tristan, et sa réunion finale avec Iseut dans la mort. Mais c'est là une question bien compliquée et qui demanderait un examen approfondi ; j'ai voulu signaler l'idée de M. Suchier, qui éclaire certainement d'un nouveau jour un des aspects de la multiforme légende de Tristan ~.

2. La littérature dans le royaume de France jusquen 14)4 (p. 115-121). — Cette section est courte, mais contient beau- coup de faits intéressants et bien éclairés. Je n'ai que peu de

��1. Dans les deux continuations, après la restitution d'Iseut à son mari, les amours des deux amants recommencent de plus belle, comme si le philtre (dont on ne parle d'ailleurs plus) agissait toujours.

2. Voici deux remarques de détail sur cette section. P. 106, il ne faut pas appeler le père de Guillaume le Conquérant « Robert le Diable » ; c'est un nom qui ne lui appartient nullement et qu'on ne lui a donné qu'à l'époque moderne, en l'identifiant, à tort, au héros purement imaginaire du roman de Robert le Diable. Ce qui est curieux, c'est que plus loin (p. 204) M. Suchier reconnaît dans le héros du poème Robert Courte Heuse, fils de Guillaume ; l'un n'est pas plus vrai que l'autre [cf. ci-dessous, p. 76]. — P. 108, supposer que l'auteur de la Viede saint Breiidaii, ensiippehnX li apostoliesBeiieei-, veut sim- plement se désigner comme un moine bénédictin me paraît bien peu probable _

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