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72 LITTERATURE FRANÇAISE AU MOYEN AGE

de notre littérature, et à plus d'une reprise l'esprit qui leur est propre l'a profondément marquée de son empreinte. On le sait assez pour les temps modernes. On connaît moins, malgré des travaux estimables, ce qu'ont fait vos ancêtres pour la litté- rature en langue vulgaire au moyen cage, et surtout dans la longue période qui a précédé l'annexion de la Normandie au domaine royal. C'est sur cette période que je voudrais appeler votre attention ; c'est la littérature normande d'alors dont je voudrais vous parler en toute liberté, au risque de choquer certains préjugés, assuré que le vrai patriotisme provincial, comme le vrai patriotisme national, veut avant tout s'ap- puyer sur la vérité, écarte les illusions, et cherche à fonder la conscience du présent et l'espérance de l'avenir sur la connaissance exacte et le sentiment juste du passé. Si d'ailleurs je dois combattre quelques erreurs et quelques exagérations assez répandues, qui assignent aux Normands, dans les origines de notre littérature, une part qui n'est pas la leur, celle que je revendiquerai pour eux sera encore assez belle, et elle aura l'avantage d'être parfaitement légitime, en même temps qu'elle sera, comme vous le reconnaîtrez, je pense, tout à fait con- forme à ce qui est votre génie propre, à ce qui, dans la grande famille française, fait votre vraie originalité.

Entendons-nous d'abord sur ce qu'il faut comprendre par ce nom de « Normand ». Il est trop clair qu'il ne peut s'appliquer à vos précédesseurs sur le sol natal qu'à partir du x*^ siècle, et je ne rappellerais pas une vérité aussi évidente s'il n'y avait dans plusieurs des assertions relatives à l'activité littéraire des Nor- mands une confusion inconsciente à ce sujet. Mon ami Hermann Suchier, professeur à Halle, — un de ces enfants qu'a fait perdre à la France la déplorable révocation de l'édit de Nantes, — publie depuis quelques années une Bibliotheca Normannica qui, je l'espère, est aussi appréciée et répandue en Normandie qu'elle mérite de l'être par l'intérêt des textes publiés et l'excellence des éditions. L'avant-propos du premier volume est un dithyrambe en l'honneur des Normands et de leur part dans l'évolution de notre ancienne littérature. En voici le passage le plus saillant, dont j'essaie de conserver l'allure enthousiaste et le beau mouvement poétique :

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