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LA LITTERATURE NORMANDE AVANT L ANNEXION 75

province à laquelle ils devaient donner leur nom, l'épopée française était dans la période de sa plus féconde activité. Les Danois ne tardèrent guère, on lésait, à se franciser : s'ils avaient amené avec eux quelques femmes, ils en prirent bien plus dans la population indigène ; leurs fils parlèrent peut-être encore la langue paternelle à côté de celle de leurs mères, mais leurs petits-fils, après un second croisement, ne connurent plus que celle-ci. La nation nouvelle qui résulta de cette fusion montra de bonne heure parmi ses qualités maîtresses une rare faculté d'assimilation. Française de langue et de religion, bientôt aussi d'institutions et de mœurs, elle accueillit volontiers l'épopée française : outre la Chanson de Roland, nous savons par Orderic Vital que les jongleurs avaient introduit en Normandie les chansons sur Guillaume d'Orange ', et sans doute bien d'autres; mais il ne paraît pas y avoir eu de chansons de geste propre- ment normandes. On en a signalé deux commes telles : le Couronnemenl de Louis (ou plutôt la seconde « branche » de ce poème cyclique), dont le héros, sous le nom de « Guillaume au court nex_ », aurait été le Normand Guillaume de Montreuil, et la Vengeance de Rioul, qui a rapport à l'assassinat du duc Guillaume Longue-Epée. Pour la première, il a été démontré depuis longtemps qu'il y avait eu une méprise de 'l'illustre savant étranger auquel on devait cette hypothèse - ; pour la seconde, il paraît certain que ce poème, malheureusement perdu, qui nous est connu par une allusion de Wace et un résumé de Guillaume de Malmesbury, loin d'être d'inspiration nor- mande, était hostile aux Normands et présentait le meurtre du duc Guillaume comme un acte de légitime vengeance de la part

��1. « Vulgo canitur a joculatoribus de illo cantilena » (éd. Le Prévost, 1. VI, c. i). Le livre VI d'Orderic Vital a été écrit vers 11 31.

2. Voyez le résumé des discussions relatives à ce point dans le liv.re de Léon Gautier, Les épopées françaises, t. IV (2e éd., 1882), p. 95-98. — P. Paris avait d'autre part voulu reconnaître dans le héros de la seconde branche du Couronnement de Louis Guillaume Fièrebrace, l'un des fils de Tancrède de Hauteville, et tout récemment M. R. Zcnker a repris et essayé de justifier cette identification, d'où résulterait pour la branche II une origine normande (vov. Bcitrâge -^iir ronianischen Philologie. Festgabe fi'ir Gustav Grôher, Halle, 1899, p. 171-232), mais, à mon sens, il n'v a pas réussi.

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