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LA LITTERATURE NORMANDE AVANT L ANNEXION 77

mandie au temps du roi. . . . Pépin '.Plus populaire encore que Robert « le Magnifique » fut Robert « Courte-Heuse », ce fils aîné de Guillaume, si dissemblable de son père, que ses deux frères réussirent successivement à exclure du trône d'Angleterre, et qui fut simplement duc de Normandie jusqu'au jour où, pris à Tinchebrai, Henri l'envoya languir et mourir dans la longue captivité de Carditf. Sa prodigalité et ses mœurs plus que faciles attiraient autour de lui les jongleurs, en même temps que sa vaillance et la générosité de son cœur lui gagnaient les chevaliers et le peuple. Ses exploits à la Croisade furent certai- nement le sujet de chansons contemporaines, et on raconta en Normandie que, s'il n'avait pas été roi de Jérusalem au lieu de Godefroi, c'est qu'il avait refusé la couronne' qu'on lui avait offerte comme au plus digne -. Mais, au temps de Robert, l'ère de l'épopée était close, et les récits ou les chants qui le célé- braient ne devinrent pas des chansons de geste. Elle était close depuis plus d'un siècle, et c'est ce qui explique qu'aucune de ces merveilleuses épopées que les Normands accomplissaient alors avec l'épée et la lance, ni la prise de la Pouille et de la Sicile, ni l'audacieux défi jeté par Robert Guiscard à l'empire de Constantinople, ni la conquête de l'Angleterre, ni la Croi- sade, n'ont fourni à notre trésor épique de véritables chansons de geste. Peut-être les Normands, s'ils avaient été francisés deux siècles plus tôt, auraient pu enrichir ce trésor ; en fait, ils n'y ont apporté aucune contribution.

Ont-ils plus de droit à revendiquer une part dans l'élabora- tion française de la « matière de Bretagne », celle à laquelle songeait sans doute principalement M. Suchier en disant que la « fée du romantisme a fait en Normandie sa première appari-

��1. Sur la légende rattachée au nom de Robert le Diable, voy. le beau tra- vail de M. Karl Breul dans son introduction à l'édition du poème anglais Sir Goivther (Oppeln, 1886). Cf. Rotimnia, t. XV, p. 160 [c.-r. par G. P. du précédent ouvrage], et t. XXIV, p. 461 [c.-r. par G. P. de K. Breul, Le dit de Robert le Diable ; cf. en dernier lieu Robert h Diable, roman d'aventure ^uhïxc par E. Lôseth (Société des Anciens Textes français, 1903), Introduction].

2. Sur cette légende, voy. Comptes rendus des séances de l'Académie des Ins- criptions et Belles-Lettres, 1890, p. 209-212 [G. Paris, Robert Courte-heuse à la prcniicre croisade].

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