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LA LITTKRATUK1-: NORMANDE AVANT L ANNEXION 9I

comme son titre l'indique, valoir mieux, à cause de son contenu salutaire à l'âme, que tous les ouvrages en langue vulgaire '.

L'enseignement de la morale chrétienne prenait parfois la forme de véritables sermons en vers. Nous possédons de ce genre un spécimen fort ancien et que tout permet de croire composé en Normandie : c'est celui par lequel M. Suchier a inauguré sa BikJiotheca iioiiiintiiiira ^. Plus remarquable et plus poétique est le beau dialogue, tout imprégné des sombres doc- trines sur les périls de ce monde et les terreurs de l'autre, où une ame revient nuprès du corps qu'elle a récemment quitté et lui reproche de l'avoir entraînée à sa perte, tandis qu'à son tour il l'accuse de sa ruine : un démon met fin au tragique col- loque en entraînant la pauvre âme en enfer. On a pensé que ce poème, en vers de six syllabes comme le Seniicvi en vers, avait été écrit en Angleterre, parce qu'il aurait un modèle anglo-saxon ; mais le fait est loin d'être assuré, et la langue ne présente aucun caractère anglo-normand : à vrai dire, elle ne présente même pas de caractères nettement normands, et elle permettrait d'attribuer le poème à la France propre. Ne le dis- putons pas à la Normandie, à laquelle nous conduisent quelques indices, et dans la littérature de laquelle il fera très bonne figure 5. Récité dans les églises devant les fidèles assemblés, il devait produire sur les âmes un effet saisissant.

C'est là de la morale à l'usage des laïques. Ils voulaient aussi apprendre la théologie, et Guilebert de Cambres, près Rouen, traduisait pour eux VEliicidarius d'Honoire d'Autun, sorte de manuel des préceptes essentiels de la doctrine chrétienne +. Le besoin d'instruction se manifeste sous une autre forme dans l'œuvre du bon moine Nicole, qui traduisit au xii siècle, — et en vers, tant cette forme semblait alors la seule admissible, — la

��1. Lith'itiliire friiHçaise au moyen dç;e,% 155.

2. Vov. ci-dessus, p. 73, n. i.

3 . On trouvera toute la bibliographie du Débat du corps et de l'aine, ainsi que de savantes recherches sur son origine, dans une étude fort intéressante de M. Th. Batiouchkof (/^(iwit;/w, t. XX, p. 1-55 et 513-378),

4. Littérature française an moyen âge, § 152.

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