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LA LITTÉRATURE NORMANDE AVANT L ANNEXION 9^

de ces pieux spectacles était très répandu en Normandie : dans les premières années du xii' siècle nous voyons de jeunes moines jouer à Dunstaple, en Angleterre, un « jeu » de sainte Catherine, à laquelle, comme à saint Nicolas, autre patron de la jeunesse, des représentations de ce genre étaient plus spécia- lement consacrées ', et cet usage avait certainement été importé de Normandie '. On peut même conjecturer avec une grande vraisemblance que, dès l'époque qui nous occupe, la Norman- die produisait des drames religieux en langue vulgaire : le beau mystère d'Adam, composé en Angleterre encore à cette époque, devait avoir dans la mère-patrie des modèles et des parallèles '.

J'ai passé en revue, Messieurs, un grand nombre des pro- ductions de la littérature normande à l'époque où votre province n'était rattachée à la France que par le lien léger d'une allégeance peu observée, et vous avez été frappé du carac- tère presque exclusivement sérieux de cette littérature ; mais elle en avait un autre, assurément non moins développé, et qui ne répondait pas moins au génie de la race, un caractère plaisant et railleur. Il semble que les conquérants Scandinaves eux-mêmes le possédassent déjcà : un des rares mots qu'ils ont fait passer dans la langue française générale, et que celle-ci a emprunté aux Normands, trouvant qu'il exprimait une nuance particulière de la plaisanterie, est le verbe gaber, avec son sub- stantif gab, acclimatés dès le xr^ siècle, comme le montrent les célèbres « gabs » du Pèlerinage de Charlemagne ■*. Si les Nor-

��1 . M. Petit de Julleville a relevé la mentiou de neuf mystères consacrés à cette sainte (un du quatorzième siècle, sept du quinzième et un du seizième); il doit y en avoir eu de beaucoup plus anciens, qui ne nous sont pas parvenus .

2. Geffrei, qui dirigeait ce jeu, était venu en Angleterre de Normandie ou du Maine (voy. Petit de Julleville, Les Mystères, t. II, p. 629).

5 . Das AJamsspiel, anglonormaunisches Gedicht des XII. Jabrhunderls, heraus- gegeben von Karl Grass (Halle, 1891, in-12, t. VI de la Roiintniscbe Biblio- //jf/i dirigée par M. \V. Foerster [2e éd., 1907]).

4. On peut voir sur ces « gabs », à défaut de l'œuvre originale, mon étude dans la Romania (t. IX, p. i- 50), ou le résumé que j'en ai donné dans une lecture faite à l'Académie des Inscriptions et réimprimée dans tnon recueil intitulé La Poésie au moyen dge, ire série, [5*^ éd., Paris, Hachette, 1903 ; pp. 119 sqq.jLfl Chanson du Pèlerinage de Charlemagne].

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