Page:Mélanges de philologie offerts à Ferdinand Brunot, 1904.djvu/202

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

190 F. GAIFFE

sérieuse avance : aussi la Vraie mère drame didacti-comique en trois actes, mérite-t-elle l’honneur d’une analyse à titre de curiosité.

I

Du reste l’auteur lui-même, Mouslier de Moissy est un personnage assez singulier pour avoir droit à une rapide esquisse. Tour à tour garde du roi, homme de lettres, instituteur en Russie, trappiste, par-dessus tout bohème incorrigible, trois fois ruiné au jeu, trois fois remis à flot par des héritages ou des pièces à succès, il compose, — sans parler des dictionnaires, traductions et autres compilations — , un nombre considérable de comédies, drames et proverbes qu’il fait représenter au Théâtre-Français ou à la Comédie-Italienne quand on veut bien l’y accueillir, mais le plus souvent, sur quelques-uns de ces théâtres de société qui fourmillent à Paris dans la dernière moitié du xviiie siècle. Depuis l’année 1750 où il donne, à l’âge de trente-huit ans, le Provincial à Paris, à la Comédie-Française, jusqu’à ce qu’il meure en 1777 dans la plus profonde misère, il gratifie infatigablement ses contemporains de productions dramatiques où règnent une imagination féconde jusqu’au dérèglement, une rage moralisatrice qui contraste singulièrement avec le désordre de sa vie et un style dont la solennité creuse et la pédantesque incorrection semblent annoncer les mémorables aphorismes de Monsieur Joseph Prudhomme.

Avec lui on est sûr au moins de ne point se traîner dans ces sentiers battus où rampent les écrivains timorés. Refaire les Adelphes après Térence est la moindre de ses audaces1 ; dans la préface de la nouvelle École des femmes, son plus grand succès2, il se glorifie d’avoir le premier « mis une femme entretenue sur la scène » ; et dans cette pièce, il nous montre, tout comme

1. Les deux Frères, comédie en 5 actes en vers, Théâtre-Français, 1763.

2. La nouvelle École des femmes, comédie en trois actes, Théâtre-Italien, 1758.