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Page:Mémoire sur l'indépendance de l'Ukraine, présenté à la Conférence de la paix par la Délégation de la République ukrainienne (1919).djvu/33

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Grâce à son grand commerce extérieur, Kiev grandit très vite. La culture byzantine s’y répandit, et notamment les arts, comme plusieurs églises en témoignent encore. C’est l’époque la plus heureuse et la plus brillante de l’histoire de l’Ukraine.

Mais la grandeur du duché de Kiev ne fut pas durable. De nouvelles hordes, plus puissantes que les précédentes (Polovtsi), firent leur apparition dans les steppes ukrainiennes. Les princes ukrainiens durent mener contre elles des luttes incessantes, tantôt malheureuses, tantôt victorieuses. Mais les nomades finirent par couper la route qui conduisait de l’Ukraine à Byzance ; et la suppression du commerce extérieur fut la cause principale de la chute de Kiev. D’autre part, après la mort du grand-duc Jaroslav (1054), les terres de celui-ci furent partagées entre ses enfants et ne formèrent plus que de petits duchés plus ou moins vassaux du grand duché ou confédérés avec lui. Mais, si la situation de l’Ukraine devenait difficile à cause des nomades, au Nord, elle était dans la région de la haute Volga, beaucoup plus assurée. Les petits duchés de Rostov, de Souzdal, de Vladimir, qui étaient sous l’autorité du grand duc de Kiev, ne respectaient plus cette autorité, prétendaient à leur indépendance complète et manifestaient même l’intention de subjuguer Kiev. En 1169, le prince du Nord, André, attaqua Kiev avec de grandes forces et le dévasta, mais sans pouvoir y maintenir son influence, non plus que sur le reste de l’Ukraine.

C’est de cette époque que date l’histoire proprement dite de la Moscovie. Les deux peuples se séparèrent tout à fait pour plusieurs siècles. Aux XVIIe et XVIIIe siècles seulement, ils commencèrent à se rapprocher en colonisant les pays qui n’étaient plus aussi dangereux au point de vue tatare. Le célèbre historien russe Klutchevsky (de Moscou) insiste sur le fait que, déjà aux XIIe et XIIIe siècles, le trait national des Grands-Russiens était bien marqué et que ceux-ci différaient complètement des hommes de Kiev. Ethniquement, le peuple grand-russien s’était mêlé avec les peuplades finnoises. Politiquement, la différence avec Kiev était énorme : à Kiev, à côté du grand duc, l’assemblée du peuple (vitché) fut toujours puissante. Le grand duc tenait également compte de l’opinion des chevaliers (droujina) de son entourage. Il n’eut jamais un pouvoir absolu. Chez les Grands-Russiens, si