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me trompais, car dès sept heures et demie cette immense salle Paganini fut pleine, et il y avait encore près de trois mille personnes qui se pressaient aux portes et qui ne pouvaient entrer. La queue des voitures prenait depuis la Chaussée-d’Antin jusqu’au boulevard Montmartre : jamais une affluence pareille ne s’était vue, on fut forcé de faire venir quinze hommes de plus que les gardes commandés. Plusieurs artistes furent arrêtés à la porte par la foule, qui les empêchait d’entrer. La première chanteuse fut blessée, un ténor presque étouffé, un autre passa par une fenêtre. Enfin, tous furent plus ou moins endommagés, il y en eut même qui se trouvèrent enfermés dans un cabinet sans pouvoir en sortir. Pendant que je les attendais, ne pouvant comprendre ce qui arrivait, des musiciens (si l’on peut leur donner ce titre), sortant de je ne sais où, prirent place aux pupitres qui étaient préparés, et voulurent jouer l’ouverture. À cet infernal tintamarre je m’avançai pour voir ce que c’était, et dus le faire cesser.

Le public murmurait, mais on comprend qu’il m’était impossible de donner mon œuvre, même une fois que mes artistes eurent pénétré, puisqu’ils se trouvaient la plupart hors d’état de chanter.