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prit d’un ton doux et patelin : « Je vous assure que non ; ce n’est simplement qu’une petite garantie que mon frère exige, ne connaissant pas votre musique ; moi qui ai déjà entendu une de vos partitions, je n’en suis nullement inquiet ; vous ne doutez pas du vif intérêt que je vous porte. » — Eh bien ! Monsieur, je réfléchirai là-dessus ; mais, je vous en supplie, laissez-moi votre manuscrit. — C’est impossible ; et, reprenant son livret qu’il avait posé sur ma table, il se disposait à s’en aller. Dire ce qui se passa en moi ne peut se décrire. Depuis si longtemps que j’attendais un poème reçu, le voir là, pour ainsi dire entre mes mains (le bonheur enfin), et prêt à m’échapper. Oh ! il eût fallu avoir plus d’expérience que je n’en avais alors ; je ne connaissais pas encore le monde : hélas ! maintenant, à mes dépens, j’ai le malheur de le connaître ! Je dis le malheur, et c’est à tort, car je ne serais point aujourd’hui victime d’une semblable mystification.

M. Dartois, voyant mon hésitation, tâcha de me convaincre que je n’avais rien à craindre en faisant cette lettre qu’il me demandait : la chose était si bien convenue. Il tira une copie de sa poche. Voilà à peu près ce qu’elle contenait : « Je