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Page:Mémoires de Charlotte Robespierre sur ses deux frères.djvu/50

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notre mère, dans l’age où nous avions le plus besoin de ses soins empressés et de sa tendre solicitude ; Maximilien n’avait que sept ans; j’étais moins âgée que lui de vingt mois; notre jeune frère venait d’atteindre sa deuxième année ; je crois me rappeler qu'il était encore en nourrice. Quand à notre jeune sœur, elle pouvait avoir trois ou quatre ans.

Toute jeune que j’étais , je me rappelle encore ma mère , et ce souvenir , après plus de soixante ans , humecte mes yeux de délicieuses larmes. Oh! qui n’aurait pas gardé dans sa mémoire le souvenir de cette excellente mère! elle nous aimait tant! Maximilien non plus ne pouvait se la rappeler sans émotion : toutes les fois que dans nos entretiens intimes nous parlions d’elle , j’entendais sa voix s’altérer, et je voyais ses yeux se mouiller. Elle n’était pas moins bonne épouse que bonne mère. Sa mort fut un coup de foudre qui frappa au coeur notre pauvre père. Il fut inconsolable. Rien ne pouvait faire diversion à sa douleur ; il ne plaidait plus, il ne s’occupait plus d'affaires, il était tout entier au chagrin qui le consumait. On lui conseilla de voyager pendant quelque temps pour se distraire ; il suivit ce conseil et partit : mais , hélas! nous ne le revîmes plus; l'impitoyable mort nous l’enleva comme