Page:Mémoires de Grégoire, ancien évêque de Blois.djvu/481

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Certainement, peu d’écrivains se présentent avec éclat à la postérité. Quoique, sur la bibliothèque d’Alexandrie, on lût ces mots : Trésor des remèdes de l’ame, comme les nôtres, sans doute, elle contenait bien des rêveries qui sont le scandale de la raison. Ces vastes réservoirs des pensées, des projets de tous les siècles, de tous les pays, sont en même temps la honte et la gloire de l’espèce humaine.

Mais il semble que l’homme soit destiné à tâtonner dans le sentier des opinions, à traverser toutes les erreurs, avant d’atteindre la vérité. Les idées fausses, les systèmes absurdes, ont du moins l’avantage de faire au moral les fonctions de balise : ils marquent l’écueil. Il n’est pas toujours vrai de dire, comme le prétendait Fontenelle, que les sottises des pères sont perdues pour leurs enfans. Ainsi, une histoire bien faite de la féodalité, qui fut une des grandes erreurs de l’esprit humain, serait un morceau très philosophique. La connaissance des écarts de la raison la prémunit contre de nouvelles chutes ; le récit des crimes des tyrans les dévoue d’une manière plus signalée à l’anathème et à l’exécration des siècles.

Quand nous aurons formé le catalogue général, nous appellerons le goût et la philosophie pour exploiter cette mine féconde et pour chercher la paillette d’or jusque dans la fange des livres absurdes : ce sera l’objet d’un rapport particulier dont s’occupe le comité. Après avoir garni les bibliothèques nationales, il vous restera de bons ouvrages dont les exemplaires étaient extrêmement multipliés : on pourra les vendre. Quant à ceux qui auront été mis à l’index de la raison, ils pourront encore devenir des objets d’échange avec les nations