Page:Mémoires de Grégoire, ancien évêque de Blois.djvu/482

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étrangères, et nous procurer ceux de leurs ouvrages qui nous manquent, et qui ne sont pas indignes d’entrer dans les bibliothèques d’un peuple libre. L’esprit de discernement présidera au triage, la justice en fera la répartition ; et dans l’hypothèse que ce scrutin épuratoire réduisît même à cinq millions de volumes les ouvrages à garder, ce serait encore plus de cinquante-six mille volumes pour chacun des quatre-vingt-neuf départemens.

Il serait un malveillant, celui qui tenterait de faire croire qu’on veut concentrer ici tous les objets scientifiques ; Paris lui-même réclamerait contre cette injuste préférence. Ils doivent seulement y être en plus grande abondance ; mais la patrie n’a point de prédilection : les monumens des arts étant un héritage commun, tous les départemens y ont droit ; je ne crains pas d’être démenti, en assurant que tous y auront part ; mais surtout qu’on se dépouille de cet esprit de localité qui est le poison du patriotisme : si chaque district considérait comme sa propriété exclusive tout ce qui appartient à la nation dans son arrondissement, il en résulterait, par exemple, que le district de Mont-Doubleau, département de Loir et Cher, n’aurait pas un seul volume, et que celui de Saint-Dié, département des Vosges, en aurait trois cent mille. L’instruction étant le besoin de tous, la Convention nationale veut la faire filtrer dans tous les rameaux de l’arbre social ; elle pèsera les réclamations des communes qui demandent des bibliothèques. Serait-il juste que Montivilliers, chef-lieu de district, avec une population de trois mille ames, eût tout, à l’exclusion du Havre qui a vingt mille habitans ? Les petites îles qui avoisi-