Page:Mémoires de Grégoire, ancien évêque de Blois.djvu/50

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La lecture de ce passage suffit pour attester qu’il y eut chez les amis des noirs, et chez Grégoire en particulier, autant de prudence politique que de philantropie. On sait aujourd’hui que les premiers troubles de Saint-Domingue ne furent point provoqués par la proclamation des principes de liberté, ni surtout par l’abolition de l’esclavage résolue trois ans après, mais par la résistance des colons au décret qui accordait les privilèges civiques aux hommes de sang-mêlé, c’est-à-dire à leurs propres enfans. On sait également que l’obstination de cette résistance armée obligea les commissaires de la Convention à devancer les projets de l’Assemblée, en promettant la liberté aux esclaves qui viendraient se ranger sous les drapeaux de la république. On sait enfin (les rapports présentés récemment au parlement anglais en font foi) que ces esclaves subitement émancipés, au lieu de se livrer aux désordres que l’on pouvait redouter, retournèrent presque tous paisiblement à leurs travaux ; et que ces mêmes esclaves, ou leurs descendans qui forment aujourd’hui la population d’Haïti, loin de présenter le spectacle d’inactivité et d’insubordination que les ennemis de leur cause se