Page:Mémoires de Louise Michel.djvu/104

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n’est pas le peuple, c’est la même qu’on voit aux exécutions capitales et qu’on ne trouve jamais quand il faut soulever les pavés.

C’est le tas des inconscients qui, sans le savoir, étayent les tyrannies, prêts à prendre à la gorge et à entraîner sous l’eau quiconque veut les sauver ; c’est le grand troupeau qui tend le cou au couteau et marche sous le fouet.

Sous l’Empire, comme à toutes les époques où les nations sont des abattoirs, la littérature était étrange ; des troppemaneries emplissaient les livres ; il y avait des cadavres oubliés derrière chaque feuillet, comme si en écrivant on eût regardé chez Napoléon III. Tout sentait fade, des mouches de charnier volaient sur les livres.

Aussi des ouvrages charmants d’Adèle Esquiros dormaient, attendant des temps plus propices. Parfois, elle nous en lisait quelques pages, fraîches amours, gracieuses images, qui donnaient l’impression de ces matinées de printemps où la rosée couvre les fleurs, où le soleil brille dans les branches. Il y avait bien quelques passages amers. Mais quelque fine plaisanterie en voilait la tristesse.

Que sont devenus tous ces manuscrits, je ne les ai jamais vus paraître !

Il est vrai qu’entre la déportation et la prison