Page:Mémoires de Louise Michel.djvu/140

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que par la façon dont il posait un problème, provoquait la réponse. — Il vous mettait ce qui s’appelle le nez dessus.

L’opération faite au tableau noir sous le souffle du vieux calculateur, qui du bout de sa longue baguette de coudrier indiquait la place des chiffres, avait quelque chose de la vision : l’œil gardait l’ample dessin des nombres et il me semblait que ces questions-là, énoncées par lui, avaient un rythme.

J’avais raconté cela à mon grand-père, si bien qu’un soir je l’entendis causer avec monsieur le maître de tant de choses, si loin de mes pauvres petits problèmes, que je les aurais bien écoutés ainsi pendant toute l’éternité. Ce jour-là je découvris que monsieur le maître avait tout simplement le génie des nombres et qu’il était, en outre, un grand astronome et un barde. Je reconnus aussi que l’algèbre est plus facile que l’arithmétique.

— Pourquoi, dit mon grand-père, n’avez-vous pas écrit sur les mathématiques ?

Le vieux maître d’école eut un rire triste et narquois. Ils ajoutèrent certaines appréciations que je ne compris que bien plus tard, mais le rire m’avait frappé et je riais aussi quand je voyais dans les livres le mérite reconnu et la vertu récompensée.