Aller au contenu

Page:Mémoires de Louise Michel.djvu/143

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sentiment, aujourd’hui comme hier, comme demain.

On m’a souvent accusée de plus de sollicitude pour les bêtes que pour les gens : pourquoi s’attendrir sur les brutes quand les êtres raisonnables sont si malheureux ?

C’est que tout va ensemble, depuis l’oiseau dont on écrase la couvée jusqu’aux nids humains décimés par la guerre. La bête crève de faim dans son trou, l’homme en meurt au loin des bornes.

Et le cœur de la bête est comme le cœur humain, son cerveau est comme le cerveau humain, susceptible de sentir et de comprendre. On a beau marcher dessus, la chaleur et l’étincelle s’y réveillent toujours.

Jusque dans la gouttière du laboratoire, la bête est sensible aux caresses ou aux brutalités. Elle a plus souvent les brutalités : quand un côté est fouillé, on la retourne pour fouiller l’autre ; parfois malgré les liens qui l’immobilisent, elle dérange dans sa douleur le tissu délicat des chairs sur lequel on travaille : alors une menace ou un coup lui apprend que l’homme est le roi des animaux ; parfois aussi pendant une démonstration éloquente, le professeur pique le scalpel dans la bête comme dans une pelote : on ne peut pas gesticuler avec cela à la main, n’est-ce pas ? et