Page:Mémoires de Louise Michel.djvu/238

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avancée comme un toit, et les histoires de revenants : le feullot, les lavandières blanches, la combe aux sorcières, dites de sa voix cassée de quasi-centenaire, avaient là le cadre qui leur convenait ; sa sœur Fanchette avait tout vu, elle branlait la tête en approuvant.

Nous partions à regret, Nanette et moi, longeant les murs du cimetière où nous n’avons jamais vu que la neige et entendu que la bise d’hiver.

De mes soirées à l’ecrègne du village, date un sentiment de révolte que j’ai aussi retrouvé bien souvent.

Les paysans font pousser le blé, mais ils n’ont pas toujours de pain ! Une vieille femme racontait comment, avec ses quatre enfants, pendant la mauvaise année (je crois qu’on appelait ainsi une année où les accapareurs avaient affamé le pays), ni elle, ni son mari, ni les petits n’avaient mangé tous les jours ; il n’y avait plus rien à vendre chez eux ; ils ne possédaient plus que les habits qu’ils avaient sur le dos ; deux de leurs enfants étaient morts, ils pensaient que c’était de faim ! Ceux qui avaient du blé ne voulaient plus leur faire crédit, pas même d’une mesure d’avoine pour faire un peu de pain. Mais il faut bien se résigner ! disait-elle. Tout le monde ne