Page:Mémoires de Louise Michel.djvu/254

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tout blanc dans l’ombre et nos files, aux sorties de nuit, s’en allant par les petites montées de Clamart, ou vers les Hautes Bruyères, avec les dents rouges des mitrailleuses à l’horizon ? C’était beau, voilà tout ; mes yeux me servent comme mon cœur, comme mon oreille que charmait le canon. Oui, barbare que je suis, j’aime le canon, l’odeur de la poudre, la mitraille dans l’air, mais je suis surtout éprise de la Révolution.

Il devait en être ainsi ; le vent qui soufflait dans ma vieille ruine, les vieillards qui m’ont élevée, la solitude, la grande liberté de mon enfance, les légendes, les bribes de sciences braconnées un peu partout, tout cela devait m’ouvrir l’oreille à toutes les harmonies, l’esprit à toutes les lueurs, le cœur à l’amour et à la haine ; tout s’est confondu dans un seul chant, dans un seul rêve, dans un seul amour : la Révolution.

Ai-je jamais cru ? Ai-je été prise par la tendresse écrasante d’un Tantum ergo ou portée sur les ailes d’un Regina cœli ? Je n’en sais rien ! j’aimais l’encens comme l’odeur du chanvre ; l’odeur de la poudre, comme celle des lianes dans les forêts calédoniennes.

La lueur des cierges, les voix frappant la voûte, l’orgue, tout cela est sensation.

L’impression d’un frappement d’ailes contre