Page:Mémoires de Louise Michel.djvu/312

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rien ne manquait aux costumes. On allait tous les dimanches au théâtre. Wolowski avait exercé les chœurs, on parlait d’un orchestre au moment où je quittai la presqu’île pour Nouméa.

Depuis longtemps j’avais l’idée de branches de palmier remuées ; de bambous frappés ; de notes d’appel tirées d’un coquillage en forme de corne ; d’effets produits par une feuille appliquée sur la bouche, enfin d’un orchestre canaque avec les quarts de tons. Je croyais, à l’aide des renseignements de Daoumi et des Canaques qui apportaient les vivres, pouvoir essayer. Mais mon dessein fut traversé par le comité du théâtre légèrement classique ; on m’accusa de sauvagerie.

C’était justement à l’époque de la révolte des tribus, et je passais près des camarades pour être plus canaque que les canaques. On se disputa un peu au bord de la mer et, afin d’envenimer encore la situation, je parlai d’une pièce canaque qui s’usait dans ma poche absolument comme si j’avais l’idée qu’on la représentât en maillots noirs. J’ajoutai même ces détails de costumes, avec une foule d’autres destinés à horripiler, et l’histoire alla son train, passionnant mes adversaires et me faisant méchamment rire au fond.

— Il paraît, me dit Bauër, que vous voulez faire jouer une pièce canaque ?