Page:Mémoires de Louise Michel.djvu/365

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


X


Depuis que j’ai vu les cyclones, je ne regarde plus les orages d’Europe que j’aimais tant autrefois.

Là-bas, de temps à autre, les yeux fixés sur la mer, la pensée libre dans l’espace, je revoyais les jours d’autrefois. Je sentais l’odeur des roses du fond du clos, du foin coupé au soleil d’été, l’âpre odeur du chanvre que j’aimais tant autrefois ; maintenant je n’y songe plus.

Je revoyais tout ; mille détails qui ne m’avaient point frappée jadis me revenaient dans les souvenirs fouillés ; je découvrais les sacrifices faits pour moi par ma pauvre mère, simplement, sans se plaindre ; elle m’eût donné son sang comme elle m’avait, miette à miette, laissé prendre ce que nous possédions, pour des idées qui n’étaient pas les siennes. Elle aurait voulu vivre près de moi, dans un coin paisible, quelque école de village perdue au milieu des bois.