Page:Mémoires de Louise Michel.djvu/379

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

troublée, et tant que nous l’avons entendue, nous avons répondu sans que personne ait cherché à nous en incriminer.

À Dieppe des amis attendaient à la gare ; à la première station après, c’était ma chère Marie avec Mme Camille B…[1]

J’ai quelques documents conservées par Marie sur mon retour.

Voici une lettre que j’adressais à Rochefort et à Olivier Pain :


Chers citoyens Rochefort et Pain,

Je reçois une dépêche de Pain qui me demande des détails sur mon arrivée.

Mais vous savez bien que si j’accepte d’être l’objet d’une de ces réceptions qui ne sont pas payées trop cher de toute une vie, je ne veux pas que ce soit ma personnalité, mais uniquement la Révolution sociale et les femmes de cette Révolution auxquelles tout soit adressé.

Du reste, je ne me souviens que de ceci : c’est que je vous ai tous embrassés à mon arrivée, et qu’affolée par l’idée de revoir ma mère, je n’ai rien voulu entendre et n’ai rien compris avant d’être à la gare Saint-Lazare. J’ai vu seulement cette grande foule grondante que j’aimais tant autrefois et que j’aime plus encore depuis que je reviens du désert. J’ai entendu seulement la Marseillaise et une unique impression m’a dominée : c’est qu’au lieu de livrer à de nouvelles hécatombes cette foule bien aimée, il vaut mieux ne risquer qu’une tête, et que les nihilistes ont raison.

  1. Note de wikisource : Marie Ferré et Camille Bias