Page:Mémoires de Louise Michel.djvu/398

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cet hiver noir de Londres, sur lequel flotte un linceul de brume, tombant par gouttes incessantes et tout à coup par larges ondées ; un soir glacé dans la grande salle froide, devant l’auditoire correct et froid du grand quartier aux immenses palais, sous lesquels les misérables ont des trous pareils à ceux des bêtes ! Je sentis, à travers tout cela, l’impression de l’honnêteté humaine persistant malgré les maudites entraves qu’on s’est éternellement données.

Ceux qui étaient là ne partageaient pas mes croyances, mais ils étaient de bonne foi, et je ne sais pourquoi ils me firent, graves et froids comme ils sont, l’effet d’une famille.

Alors, comme autrefois dans mon enfance à Vroncourt, comme au temps Où, toute jeune institutrice, je m’asseyais chez Mme Fayet sur la pierre de l’âtre, en laissant s’échapper tout ce que j’avais dans le cœur, je me mis dans la grande salle froide, à dire les tableaux de ma vie qui passaient devant moi, depuis Vroncourt jusqu’à la Nouvelle-Calédonie, avec la sensation présente des choses passées.

Il en est peut-être qui s’en souviennent, et je leur ai dit, du reste, d’y penser quand, dans nos procès, les tribunaux nous présentent sous un aspect qui n’est pas le nôtre.