Page:Mémoires de Louise Michel.djvu/406

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qui chanteront d’un bout de la terre à l’autre en dérapant enfin l’épave du vieux monde.

Avant d’en finir avec les conférences, parlons de celle de Lille, pour la grève des fileuses.

Elles étaient autour de nous à la tribune, ces ouvrières des caves de Lille, que leurs sabots gris préservent si peu de l’eau et que le travail tue avant l’âge.

Elles ne demandaient pour continuer cette horrible vie que deux ou trois sous de plus par jour.

Deux ou trois sous pour le pain suffisant à celles qui travaillent si durement pour les riches, pareilles au ver à soie qu’on fait bouillir quand il a tissé son cocon.

Elles aussi, quand le labeur est achevé, il faut qu’elles meurent ; il faut que la vie s’arrête avec le fil. Qu’est-ce donc qui soignerait leur vieillesse ? Est-ce que leurs filles, à peine hors du berceau, ne se seront pas enchaînées à la même torture ? Il faut bien que les riches usent et abusent de leurs troupeaux.

Les vers à soie, les filles du peuple, c’est fait pour filer.

Et le ver sera bouilli et la fille mourra ou se tordra comme du bois vert ployé.

Deux ou trois sous pour un peu de pain, en