Page:Mémoires de Louise Michel.djvu/461

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Mais quand la police n’est pas féroce, elle essaye d’être perfide ; c’est ce qui est arrivé hier encore.

À la porte d’Asnières, sitôt que le char eut franchi la grille de l’octroi, les agents qui avaient prémédité leur coup, voulurent refermer vivement les portes pour couper le cortège et empêcher cette exhibition des drapeaux rouges qu’ils avaient tant à cœur.

Ils comptaient sans la résolution des révolutionnaires ; les portes cédèrent sous la pression du peuple. Quelques voitures même, rentrant à Paris, durent à cette circonstance de n’être pas visitées.

Un dernier incident : pendant que le cortège longeait la ligne du chemin de fer de ceinture, un train passa ; tous les voyageurs étaient aux portières, et reconnaissant le convoi de la mère de Louise Michel, un grand nombre d’entre eux se mirent à agiter leurs chapeaux et leurs mouchoirs.

C’est ainsi qu’on arriva à Levallois-Perret.

AU CIMETIÈRE

La petite ville de Levallois-Perret était toute révolutionnée. Depuis longtemps on n’y avait vu autant de monde. Beaucoup de voitures stationnaient aux abords du cimetière. Tous les habitants étaient sur pied et formaient la haie sur le chemin où devait passer le cortège.

Le petit cimetière avait fait sa toilette. Les portes étaient grandes ouvertes, et déjà beaucoup de citoyens, plus pressés que les autres, prenaient leur place autour de l’endroit choisi pour l’inhumation.

C’est la tombe de Ferré assassiné à Satory par les Versaillais. Il y est enterré avec sa sœur, Marie Ferré, qui fut l’amie intime, la compagne dévouée de Louise Michel.

Le monument est modeste, entouré d’une grille et couvert d’une large dalle. Une pierre debout porte les noms du martyr et de sa sœur.

La cloche sonne, annonçant l’arrivée du cortège funèbre. En un clin d’œil, la foule a envahi ce champ des morts… C’est avec une peine extrême que les porteurs parviennent avec le corps jusqu’à la tombe, et ce n’est qu’en faisant passer de main en main les couronnes qu’on peut les transporter du char au cercueil. Les drapeaux rouges sont déployés, les tombes disparaissent sous le flot vivant qui s’étage du sol jusqu’au