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Page:Mémoires de Louise Michel.djvu/483

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tous ces événements dont on trouve aujourd’hui tout naturel de rendre responsables tous les partisans de la révolution sociale.

Un jour, je proposai à Ferré d’envahir l’Assemblée ; je voulais deux victimes, M. Thiers et moi, car j’avais fait le sacrifice de ma vie, et j’étais décidée à le frapper.

M. le président : Dans une proclamation, vous avez dit qu’on devait, tous les vingt-quatre heures, fusiller un otage ?

R. Non, j’ai seulement voulu menacer. Mais pourquoi me défendrais-je ? Je vous l’ai déjà déclaré, je me refuse à le faire. Vous êtes des hommes qui allez me juger ; vous êtes devant moi à visage découvert ; vous êtes des hommes, et moi je ne suis qu’une femme, et pourtant je vous regarde en face. Je sais bien que tout ce que je pourrai vous dire ne changera en rien votre sentence. Donc un seul et dernier mot avant de m’asseoir. Nous n’avons jamais voulu que le triomphe des grands principes de la Révolution ; je le jure par nos martyrs tombés sur le champ de Satory, par nos martyrs que j’acclame encore ici hautement, et qui un jour trouveront bien un vengeur.

Encore une fois, je vous appartiens ; faites de moi ce qu’il vous plaira. Prenez ma vie si vous la voulez ; je ne suis pas femme à vous la disputer un seul instant.

M. le président : Vous déclarez ne pas avoir approuvé l’assassinat des généraux, et cependant on raconte que, quand on vous l’a appris, vous vous êtes écriée : « On les a fusillés, c’est bien fait. » — R. Oui, j’ai dit cela, je l’avoue. (Je me rappelle même que c’était en présence des citoyens Le Moussu et Ferré.)

D. Vous approuviez donc l’assassinat ? — R. Permettez, cela n’en était pas une preuve ; les paroles que j’ai prononcées avaient pour but de ne pas arrêter l’élan révolutionnaire.

D. Vous écriviez aussi dans les journaux ; dans le Cri du peuple, par exemple ? — R. Oui, je ne m’en cache pas.

D. Ces journaux demandaient chaque jour la confiscation des biens du clergé et autres mesures révolutionnaires semblables. Telles étaient donc vos opinions ? — R. En effet ; mais remarquez bien que nous n’avons jamais voulu prendre ces biens pour nous ; nous ne songions qu’à les donner au peuple pour le bien-être.

D. Vous avez demandé la suppression de la magistrature ? — R. C’est que j’avais toujours devant les yeux les exemples de ses erreurs. Je me rappelais l’affaire Lesurques et tant d’autres.