Page:Mémoires de Louise Michel.djvu/68

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ses nièces furent entraînées dans ce mysticisme, et moi encore plus facilement que les autres.

Étrange impression que je ressens encore ! J’écoutais à la fois ma tante catholique exaltée et les grands-parents voltairiens. Je cherchais, émue par des rêves étranges ; ainsi l’aiguille cherche le nord, affolée, dans les cyclones.

Le nord, c’était la Révolution.

Le fanatisme descendit du rêve dans la réalité ; ma vie, au pas de charge, s’en alla dans les Marseillaises de la fin de l’Empire. Quand on avait le temps de se dire des vérités les uns aux autres, Ferré me disait que j’étais dévote de la Révolution. C’était vrai ! n’en étions-nous pas tous fanatiques ? Toutes les avant-gardes sont ainsi.

Revenons à mon école d’Audeloncourt ouverte en janvier 1853. École libre, comme on disait, car pour appartenir à la commune il eût fallu prêter serment à l’Empire.

Je ne manquais pas de courage, nourrissant même l’illusion de faire à ma mère un avenir heureux.

Les mois de classe ne pouvaient être que d’un franc (somme relativement forte pour les travailleurs des champs) ; n’ayant pas l’âge exigé pour avoir des pensionnaires, j’étais obligée de placer, chez les parents des élèves d’Audeloncourt, celles