Page:Mémoires de Madame d’Épinay, Charpentier, 1865.djvu/109

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pus. » En vérité, mon tuteur, je le pensois et je le pense encore. Toute illusion est détruite, le bandeau est déchiré. Voilà l’effet qu’a produit en moi cette malheureuse nuit.

Que je suis malheureuse ! Mon mari s’est désolé, il m’a laissée maîtresse de ne pas recevoir le chevalier, et m’a demandé pour toute grâce de garder le silence avec nos parents sur cette aventure. J’ai eu bien de la peine à y consentir. À la fin cependant j’ai cédé à toutes les protestations qu’il m’a faites de se conduire à l’avenir de manière à me rassurer sur ses principes, et j’ai promis de me taire. Mais qu’il est loin de sentir combien il déchire mon cœur ! Je ne sais quand je pourrai vous voir. Il est décidé que je suis grosse, on veut me faire saigner demain ; la frayeur que j’ai eue cette nuit rend cette précaution nécessaire. Me voilà pour quelques jours à garder mon appartement. M. de Bellegarde m’accable d’amitiés. Si mon bonheur dépendoit de lui, je pourrois me croire heureuse. Mais il tient à quelqu’un qui s’est rendu indigne. Que je suis à plaindre !