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Page:Mémoires de Madame d’Épinay, Charpentier, 1865.djvu/166

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MÉMOIRES DE MADAME D’ÉPINAY.

ma cour à madame votre mère et à M. de Bellegarde ; si j’ai le bonheur d’être de nouveau invité à aller les voir dans leur terre, je vous jure que je ne me le ferai pas dire deux fois ; mais s’ils ne me disent rien, j’irai également, parce qu’il me seroit impossible de m’en dispenser. En attendant, me sera-t-il permis de vous écrire ? me donnerez-vous de vos nouvelles ? Il m’en faut au moins une fois tous les jours ; je ne peux vivre sans vous répéter sans cesse que je vous adore. Je ne vois, je ne sens que mon amour ; tout le reste m’importune et m’est odieux. Il faudra donc laisser cette lettre à votre porte et ne point vous voir ? N’importe, je serai dans la maison que vous habitez. Il n’est que quatre heures ; il est encore trop tôt : mon empressement pourroit paroître suspect. Jamais journée ne m’a paru si longue, »

J’étois bien tentée de répondre ; mais apparemment la multitude de choses que j’avois à dire a fait que je ne trouvois pas une expression ; je serois restée vingt-quatre heures dans cette situation. On est venu m’avertir que le souper étoit servi ; pendant tout le repas je n’ai pensé qu’à Francueil ; mes distractions ont été remarquées ; on me parloit, je ne répondois point, ou je répondois tout de travers. Je me suis excusée sur la quantité des choses que j’avois à faire ou à arranger avant mon départ. Dès que j’ai eu soupé, je me suis servi du même prétexte pour remonter dans mon appartement. Là j’ai relu encore sa lettre, et à présent que je l’ai copiée, je vais la brûler, comme je ferai de celles que je recevrai, et comme je veux qu’il fasse des miennes.