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Page:Mémoires de Madame d’Épinay, Charpentier, 1865.djvu/212

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MÉMOIRES DE MADAME D’ÉPINAY.

son avec les amis, qu’il vous seroit ou utile ou agréable de conserver. Je dois vous parler avec franchise, puisque vous demandez mon avis. Je ne puis approuver ce projet, et le vif intérêt que je prends à vous, ma chère Émilie, m’engage à vous prier avec instance d’y renoncer, ou du moins d’en abandonner une partie ; mais je ne voudrois pas que vous entreprissiez rien, sans avoir pris auparavant l’avis d’un avocat habile et prudent. Quant à moi, je crois que vous pouvez obtenir, sans difficulté, une séparation de biens ; il est de la prudence d’une mère de famille d’assurer la conservation de ce qu’elle en peut avoir ; et ce moyen d’acquérir une sorte d’indépendance n’a rien de révoltant ni d’équivoque. Voilà, ma chère pupille, à quoi je pense que vous devez vous borner, et les réflexions que m’a dictées le tendre et respectueux attachement que je vous ai voué.




Madame d’Épinay suivit mon conseil ; et, peu de temps après, je reçus une lettre d’elle, où elle me marquoit que le succès avoit passé ses espérances ; que son mari consentoit à leur séparation, et que son beau-père lui-même en sentoit la nécessité. Et elle ajoutoit : « Je jouirai actuellement de quatorze mille livres, y compris mon bien ; l’acte sera passé sous seing privé ; et M. de Bellegarde se réserve à en faire un en forme par la suite, pour m’assurer quinze mille livres de rente dont je jouirai depuis le moment de sa mort jusqu’au jour de la mienne. »