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Page:Mémoires de Madame d’Épinay, Charpentier, 1865.djvu/45

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de le croire sincère. Malheureusement, il n’a été depuis que trop constant dans ses désordres, et les scènes indécentes et injustes qu’il a faites à sa femme en différents temps ont toujours été la preuve assurée qu’il redoutoit alors l’éclat d’une nouvelle sottise. Lorsque je fus prié par madame d’Épinay de parler à son mari, je le fis d’un ton plus sévère, et je lui donnai des preuves qu’il ne put pas nier. Il convint de tout ; mais il mêla cet aveu de tant de bassesses et de faussetés, que, dès ce moment, je n’en espérai rien. J’engageai cependant madame d’Épinay à l’indulgence et à la douceur, et j’exhortai madame d’Esclavelles à se prêter davantage aux goûts de sa fille. Je lui fis sentir, autant qu’il fut en moi, les inconvénients de ne jamais lui montrer qu’un visage triste et sévère : en effet, la tendresse que ma pupille avoit pour sa mère cédoit à l’ennui de son entretien et de ses fréquents sermons, et la tenoit sur la réserve. Mon exhortation ne servit qu’à faire garder à madame d’Esclavelles une conduite inégale, tantôt suivant l’impulsion de son caractère et de ses principes, et tantôt en se rappelant mes avis, surtout lorsqu’elle voyoit le mauvais succès des siens.


LETTRE DE MADAME D’ÉPINAY À MADAME LA PRÉSIDENTE DE MAUPEOU.

En vérité, ma cousine, je ne comprends plus rien aux usages, aux convenances ! tout cela me trouble l’âme. Il faut que je vous conte en quatre mots ce qui m’est arrivé. J’allai avant-hier chez madame Desfontaines[1]. Après souper, tout le monde se mit à me persécuter pour aller

  1. Peut-être madame Fontaine. Il y avait alors un Fontaine, fermier général, « rue de Bourbon, à la Ville Neuve, » comme on disait.