Page:Mémoires de Madame d’Épinay, Charpentier, 1865.djvu/71

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À quatre heures du matin.

Je ne puis prendre de repos ; il faut que j’écrive. Vous vous rappelez sans doute que lorsque M. d’Épinay me donna son portrait, il en fit faire un autre, ne trouvant pas, disoit-il, le premier assez ressemblant : je voulus les garder tous deux. Il m’objecta une raison d’économie à laquelle je n’eus rien à répondre ; et je lui rendis celui qui me plaisoit le moins. Dans la cruelle incertitude où je me trouvai hier, j’écrivis au peintre et le priai de me dire si M. d’Épinay lui avoit payé ou remis le second portrait ; j’ai feint d’en être restée chargée ; mais que dans la grande quantité d’affaires qu’il m’avoit laissées à son départ, j’étois incertaine de ce qu’il m’avoit dit sur celle-ci. Hélas ! mon cher tuteur, sa réponse a été claire et telle que je la craignois. Les deux portraits sont payés.

Voici, après vingt partis que j’ai voulu prendre, et qui tous m’ont paru alternativement bons et mauvais, celui auquel je me suis déterminée. J’écris à mon mari. Que ce nom m’étoit cher ! Voyez si vous croyez que cette lettre soit propre à le ramener, s’il lui reste encore un peu de compassion ou de reconnoissance. Adieu, je vous en ai dit mille fois plus que je ne voulois ; mais mettez-vous à ma place. Oh ! que je voudrois me trouver injuste à présent ! J’attends votre avis pour faire partir ma lettre ou la retenir. Excusez moi, comme vous voudrez, auprès de mes parents. Je ne suis point en était de paroître devant eux. Que deviendroient-ils s’ils connoissoient mes chagrins ?


LETTRE DE MADAME D’ÉPINAY À M. D’ÉPINAY.

Le hasard m’a fait découvrir, mon cher ami, une imprudence que vous avez faite, et dont les suites pour-