Page:Mémoires de Madame d’Épinay, Charpentier, 1865.djvu/73

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j’avois peu de consolation à lui donner ; ce ne fut qu’en lui rappelant le tort qu’elle feroit à son enfant, et l’impossibilité où elle seroit de le nourrir, si elle continuoit de se désespérer, que je parvins à la calmer. Le lendemain je la ramenai à Épinay ; et au bout de quatre jours, la trouvant plus disposée à vaincre sa douleur, et la voyant fonder beaucoup d’espérance sur ses lettres à son mari, je la confirmai dans cette attente, et je revins à Paris, où mes affaires m’appeloient.


LETTRE DE M. D’ÉPINAY À MAdAME D’ÉPINAY.

Je voudrois bien savoir qui sont ceux qui ont dit à ma petite femme que j’avois donné mon portrait à la Rosette ; car c’est un conte. Vous ne l’avez sûrement pas vu ; mais il est assez singulier que vous souffriez qu’on vous fasse de pareils rapports. Ce ne peut être qu’un de ceux qui ont été témoins de cette folie ; j’en soupçonne M. de Montreuil[1], et si c’est lui, j’espère qu’après ce procédé vous ne le reverrez plus. Il devoit, au moins, vous dire comme la chose s’étoit passée ; mais non, cela n’auroit pas été assez méchant, et il a apparemment ses raisons pour l’être.

Ce fut à un souper dont lui et le chevalier de Canaples étoient, que la Rosette prit ce portrait dans ma poche et le garda, malgré tout ce que je pus faire pour le ravoir. Je lui dis même, afin de l’engager à me le rendre, que je voulois le faire entourer de diamans pour le lui donner. Elle me répondit qu’elle le feroit entourer elle-même, et que je n’avois qu’à lui donner la somme que j’y voulois mettre. Tout le monde m’y condamna, et je

  1. Le nom de M. de Montreuil est supposé.