Page:Mémoires de Madame d’Épinay, Charpentier, 1865.djvu/79

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à lui rendre compte de tout ce que je fais, de la vie que je mène.

Moi. Ah ! c’est en effet une chose bien intéressante que la vie d’une femme en couche. Ne voulez-vous pas écrire quatre pages sur un sujet aussi piquant ? Laissez, laissez-moi faire ; je m’en vais lui dire tout cela en quatre mots.

Monsieur, elle ouvre ses rideaux tous les matins entre onze heures et midi, après en avoir dormi dix. On lui donne vite à déjeuner ; sans quoi elle est d’une humeur affreuse. Elle reçoit son père et sa mère, qui se croient trop heureux si elle leur a fait un petit sourire : quand ils l’ennuyent, elle boude ou fait semblant de dormir. Alors on lui parle de son petit ; on lui dit qu’il est charmant, qu’il a la colique, qu’il tette avec une grâce singulière ; cela la fait rire ou pleurer suivant que sa tête est montée. À trois ou quatre heures madame de Vignolles ou moi venons lui tenir exactement compagnie. Quand elle a de l’humeur, elle nous ennuye beaucoup mais quand elle est gaie, elle parle comme un ange qu’elle est.

À huit heures elle soupe et puis s’endort jusqu’au lendemain, qu’elle recommence la même vie. Vous voyez, monsieur, que tout cela n’est pas bien intéressant ; mais, si j’eusse voulu la laisser aller, elle auroit trouvé le secret d’en faire un volume. Moi qui crois que vous en savez plus qu’il n’en faut sur cette matière, je deviens inexorable, et je ne dis pas un mot au delà des assurances de mon attachement.


LETTRE DE MADAME D’ÉPINAY À M. DE LISIEUX.

Je n’ai le temps de vous dire qu’un mot, mon cher tuteur : mon mari est arrivé hier au soir. Quel change-