Page:Mémoires de Madame d’Épinay, Charpentier, 1865.djvu/80

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ment dans mon âme, dans ma situation ! C’est son impatience qui l’a fait arriver sitôt, car je ne l’attendois que dans huit jours. Toutes mes peines, mes inquiétudes ont disparu par sa présence. Il m’aime, il me l’assure, il a l’air vrai. Je vois même qu’il a été très-occupé de moi pendant sa tournée ; il a fait à mon intention plusieurs emplettes dont il ne me parloit pas dans ses lettres. Depuis son arrivée, il m’a accablée de présents. Est-ce qu’on en fait quand on n’aime pas ? Que de choses il m’a dites déjà qui prouvent sa confiance, son amour !

Je suis bien impatiente de vous aller voir ! mais quoique je me porte bien, il est d’étiquette de ne pas sortir avant six semaines ; et vous savez que toutes ces choses indifférentes et même ridicules se font, dans ce monde, méthodiquement. Adieu donc, mon cher tuteur. Je vous quitte brusquement, sans quoi je me laisserois peut-être aller au plaisir de causer avec vous, et j’en ai un plus grand, que vous ne serez pas fâché que je vous préfère, puisque mon mari m’attend.


LETTRE DE M. DE LISIEUX À MADAME D’ÉPINAY.

Tout dans votre lettre, ma chère pupille, me seroit agréable, si je pouvois m’assurer que votre félicité présente est aussi solide que je le désire. Vous m’apprenez l’arrivée de M. d’Épinay ; vous vous livrez à des espérances de bonheur dont je crois qu’il faut vous défier. Ce n’est pas que je veuille en rien troubler votre satisfaction ; je suis votre ami, je le serai toujours ; mais plus je vous suis attaché, plus je voudrois rendre votre bonheur solide et durable. Pour y parvenir, peut-être seroit-il bon d’apprécier les choses à leur juste valeur. M. d’Épinay arrive