Aller au contenu

Page:Mémoires de l’Académie de Stanislas, 1863.djvu/596

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 456 —

Bientôt après la discussion s’étendit : elle devint générale et prit, en changeant de théâtre, des proportions inattendues. Les passions excitées s’agitèrent en tous sens, et bientôt l’œuvre d’un membre de l’Académie de Stanislas souleva, à Paris même, de véritables orages qui bouleversèrent le monde littéraire. Une comédie de Palissot de Montenoy, qu’on ne lit plus de nos jours, absorba pendant plusieurs mois l’attention de la capitale de la France. Les chefs du parti encyclopédique, qui prétendaient diriger l’opinion, se virent exposés au fouet de la satire théâtrale et leur fureur fut au comble. Leurs nombreux adeptes criaient à la persécution en jetant feu et flammes, tandis que le parti contraire, soutenu par le pouvoir, applaudissait à outrance. Les deux camps se renvoyèrent les diatribes les plus sanglantes. On écrivit force pamphlets, en prose et en vers, et la Comédie des Philosophes devint l’objet unique de toutes les conversations vers le milieu de l’année 1760. Cet état des esprits est très-exactement représenté par le passage suivant de la correspondance de Grimm :

« Vous voulez sans doute, écrit-il à la date du 1er juin 1760, que je vous parle de la fameuse comédie des Philosophes qui a tant occupé le public depuis six semaines. Rien ne peint mieux le caractère de cette nation que ce qui vient de se passer sous nos yeux. On sait que nous avons quelques mauvaises affaires en Europe ; quel serait l’étonnement d’un