Y penses-tu, Socrate ? Quoi, tu demandes une analyse de la Critique de la raison pure ! Si je voulais te la donner en détail et la rendre aussi claire que l’ouvrage est obscur, il me faudrait non pas abréger celui-ci, mais le grossir d’une glose perpétuelle, et, avant tout, le faire précéder d’une étude philologique fort longue ; car la langue de Kant n’est vraiment la langue de personne, et s’il est original dans son système, il l’est plus encore dans son vocabulaire et dans sa syntaxe. Connais-tu les schémes et le schématisme de l’entendement pur ? Connais-tu l’amphibolie des concepts de la réflexion ? et pourtant ce sont des mots grecs. Veux-tu que je te lise la page 69 de l’esthétique transcendantale, où Kant prouve, comme il suit, que l’espace n’est rien de réel et ne doit être considéré que comme une forme subjective de la sensibilité, comme une sorte de moule résultant uniquement de notre organisation intellectuelle, et dans lequel viennent se couler toutes nos perceptions extérieures ? « S’il n’y avait pas en vous une faculté d’avoir des intuitions à priori, et si cette condition, subjective quant à la forme, n’était pas en même temps la condition à priori sous laquelle seule l’objet de cette intuition externe est possible ; si enfin l’objet de cette intui-