On n’écouta pas d’abord ses réclamations ; mais il les réitéra avec tant de constance, qu’on se vit forcé de confier à un autre un ministère qu’une loi toute récente défendait de diviser. Tous ceux qui travaillaient sous lui, et les officiers de la marine, M. d’Estaing à leur tête, vinrent en corps lui témoigner les regrets que leur causait sa retraite.
La fermeté avec laquelle il avait sollicité son remplacement n’empêcha pas que bientôt après il ne se vît honoré d’une nouvelle marque de confiance qui attestait bien l’estime qu’on faisait de son caractère et de ses principes.
Choisi pour gouverneur du prince royal, il eut à peine le temps de s’essayer à ces nouvelles fonctions, si différentes de celles auxquelles il avait jusque-là consacré tout son temps. Le renversement de la constitution à peine achevée lui ravit ce nouveau poste qui ne fit guère que lui donner un titre de plus pour grossir la liste de ces suspects si tranquilles qu’on entassait de toutes parts dans les prisons qui couvraient le sol de la France.
Là, pendant une détention de quatorze mois, il eut le loisir de méditer sur la fragilité des honneurs qu’il n’avait jamais recherchés, et de se fortifier dans l’opinion où il avait toujours été sur les dangers de tout grand mouvement politique. Madame de Fleurieu, dont il ne fut point séparé, lui prodiguait des consolations bien douces, si elles n’eussent été empoisonnées par les inquiétudes les plus vives sur le sort de ce qu’il avait de plus cher. Moins malheureux cependant que tant d’autres, les deux époux recouvrèrent la liberté, mais pour trouver, en rentrant dans leurs foyers, leur patrimoine dissipé, leur mobilier dispersé, et leurs ressources anéanties.
La première consolation de M. de Fleurieu fut d’être nommé à l’Institut ; mais c’était dans sa position une ressource bien faible. Il n’avait pu être compris dans la première formation du bureau des longitudes : un ami généreux (M. Buache) voulut