Page:Mémoires de l’Académie des sciences, Tome 12.djvu/16

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n’était pas encore hors d’usage autant qu’il l’est maintenant, et où ce moyen nouveau faisait espérer une variation agréable dans des jouissances jusque-là trop uniformes : le nom du jeune chimiste de Penzance fut en peu de temps populaire dans les trois royaumes.

Ajoutons cependant, pour être justes, que le courage qu’il avait montré, n’avait pas été moins remarqué que la singularité de sa découverte. Il donne lui-même de son état une description effrayante. La perte du mouvement volontaire ne diminua d’abord rien de ses sensations : il voyait, il entendait tout autour de lui ; mais à mesure que cette espèce d’asphyxie augmentait, le monde extérieur l’abandonnait ; une foule d’images nouvelles s’emparaient de lui ; il lui semblait qu’il faisait des découvertes, qu’il s’élevait à des théories sublimes. Mais que l’on ne croie pas que cette ivresse plus qu’aucune autre puisse rien apprendre. Quand, enfin, un ami lui arracha le dangereux bocal, ses premières paroles ne furent que la vieille formule de l’idéalisme : Rien n’existe que la pensée, l’univers ne se compose que d’impressions et d’idées de plaisirs et de souffrances. Depuis long-temps il avait eu ce système dans l’esprit, et ce n’était pas, comme on voit, la peine de s’exposer à tant de danger pour arriver à un tel résultat[1].

  1. (1) Researches chemical and philosophical ; chiefly concerning nitrous oxide and its respiration, in 8vo. London, 1800.

    Traduit en français, Annales de Chimie, tom., p. 305; XLII, p. 33 et 276 ; XLIII, p. 97 et 324 ; XLIV, p. 43 et 218 ; XLV, p. 97 et 169.