Page:Mémoires de l’Académie des sciences, Tome 12.djvu/76

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rects semblèrent nécessaires, et c’est à Dalibard, notre compatriote, que la science en a été redevable. Le 10 mai 1752, pendant un orage, la grande tige de métal pointue qu’il avait établie dans un jardin de Marly-la-Ville, donnait de petites étincelles, comme le fait le conducteur de la machine électrique ordinaire quand on en approche un fil de fer. Franklin ne réalisa cette même expérience aux États-Unis, à l’aide d’un cerf.volant, qu’un mois plus tard. Les paratonnerres en étaient la conséquence immédiate. L’illustre physicien d’Amérique s’empressa de le proclamer.

La partie du public qui, en matière de sciences, est réduite à juger sur parole, ne se prononce presque jamais à demi. Elle admet ou rejette, qu’on me passe ce terme, avec emportement. Les paratonnerres, par exemple, devinrent l’objet d’un véritable enthousiasme dont il est curieux de suivre les élans dans les écrits de l’époque. Ici, vous trouvez des voyageurs qui, en rase campagne, croient conjurer la foudre en mettant l’épée à la main contre les nuages, dans la posture d’Ajax menaçant les dieux ; là, des gens d’église, à qui leur costume interdit l’épée, regrettent amèrement d’être privés de ce talisman conservateur ; celui-ci propose sérieusement, comme un préservatif infaillible, de se placer sous une gouttière, dès le début de l’orage, attendu que les étoffes mouillées sont d’excellents conducteurs de l’électricité ; celui-là invente certaines coiffures d’où pendent de longues chaînes métalliques qu’il faut avoir grand soin de laisser constamment traîner dans le ruisseau, etc., etc. Quelques physiciens, il faut le dire, ne partageaient pas cet engouement. Ils admettaient l’identité de la foudre et du fluide électrique, l’expérience de Marly-la-Ville ayant à cet égard prononcé définiti-