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DE M. CHAPTAL.

premier goût qu’il avait eu pour les systèmes et les hypothèses ; sans cela, personne assurément ne s’en serait douté ; on peut défier l’esprit le plus rigide d’en trouver le moindre vestige dans aucun de ses écrits, sans excepter le premier de tous, je veux dire la thèse qu’il publia à la fin de ses études en médecine.

Le sujet de cette thèse est l’examen des causes qui déterminent les différences que l’on observe parmi les hommes, soit au physique, soit au moral. L’auteur y considère successivement l’influence de la constitution primitive, celle du climat, celle de l’éducation individuelle ou domestique, et celle du gouvernement, cette éducation politique, dit-il, qui donne un caractère propre à chaque nation ; écrit où se laisse apercevoir déjà une certaine force de démêler, de combiner les éléments divers d’un vaste sujet et dont le souvenir n’est point indigne d’être rappelé ici.

Le voilà sorti de la faculté ; et son oncle ne songeait plus qu’à se l’associer, et à lui confier une partie de sa clientèle. Mais l’impression qu’avait faite Montaigne était profonde, et probablement plus que M. Pinel lui-même ne l’avait prévu.

On conçoit qu’un philosophe, qui semble avoir pris le doute pour devise, ait pu exercer ce doute avec quelque avantage sur une science dont le caractère le plus démontré ne passe pas, en effet, pour être celui de la certitude. Quoi qu’il en soit la lecture assidue de Montaigne avait un peu refroidi l’enthousiasme de Chaptal pour la médecine ; il fit entendre à son oncle qu’il était beaucoup trop jeune encore pour se livrer immédiatement à la pratique d’un art