beaucoup de talent (ce qui n’est pas rare), avec un très-grand désintéressement (ce qui, dit-on, est un peu moins commun). L’avocat Claude-Abraham CARNOT avait dix-huit enfants ainsi, d’après le vieil adage qui promet la prospérité aux familles nombreuses, il dut compter sur un avenir heureux pour chacun de ses enfants. En effet, à une certaine époque, il eût pu voir, dans cette nombreuse lignée, deux lieutenants généraux des armées françaises un conseiller à la cour de cassation un procureur général de cour royale; la directrice de l’hospice de Nolay; un magistrat municipal fort estimé pendant qu’il administrait sa commune, plus estimé encore, s’il est possible, lorsqu’après vingt-trois années d’exercice il se fut soumis à une destitution brutale, plutôt que de manquer à son devoir. Il faut dire qu’en père tendre et prévoyant, l’avocat de Nolay ne s’était pas fié sans réserve à la puissance du proverbe et qu’il présida toujours personnellement à la première éducation de ses fils. Lazare CARNOT, le sujet de cette Biographie, ne quitta même le toit paternel que pour aller, comme on disait alors, faire sa rhétorique et sa philosophie.
L’enfance des hommes privilégiés qui, à des titres divers, ont joué un rôle éclatant sur la scène du monde, a de tout temps fixé l’attention des biographes. Le Connais-toi toi-même! d’un ancien philosophe serait interprété d’une façon par trop mesquine, si on se bornait à n’y voir qu’un conseil de prudence; la maxime est susceptible d’une interprétation plus juste et plus large elle nous présente, je crois, l’espèce humaine, envisagée dans son ensemble, comme le plus important sujet d’étude qu’on puisse se proposer. Ainsi, Messieurs, recherchons avec soin de quelle manière s’annon-