ment. Il passa alors plus d’une année dans l’attente d’une meilleure situation, et supporta avec constance les privations les plus extraordinaires, ou plutôt il les oubliait facilement ; tout ce que d’autres auraient jugé nécessaire lui paraissait à peine désirable. On ne pourrait croire, s’il ne l’eût rapporté lui-même, quelle fut dans cette retraite l’extrême modicité de sa dépense. C’est alors qu’il se livra sans réserve à des études historiques et littéraires qui ont été l’origine de ses grands travaux. Il entreprit des traductions assez étendues d’ouvrages latins, grecs, italiens ou anglais, non dans l’espoir de retirer de ce travail aucun profit, ce qui lui eût été facile, mais dans la seule vue de perfectionner son instruction. Il commença aussi, par le même motif, à se livrer à l’étude des sciences mathématiques.
Il vivait seul, obscur et ignoré, mais heureux et libre, sans autre passion que celle de l’étude. Son temps, seul bien qu’il possédât, lui restait tout entier ; aucune visite importune n’interrompait ses loisirs ; enfin son talent se fortifiait chaque jour, et croissait pour la gloire de l’astronomie et des lettres. La solitude inspire le génie ; elle appelle les grandes pensées, dissipe le désir présomptueux d’une renommée hâtive et vulgaire, et prépare les ouvrages immortels qui feront l’admiration des siècles.
Le mérite extraordinaire de M. Delambre, la douceur habituelle de son caractère et de ses mœurs, la résolution même qu’il avait prise de recommencer seul le cours entier de ses études, attirèrent l’attention. On lui proposa de consacrer quelques années à l’enseignement : il y consentit, et se rendit à Compiègne, où il résida peu de temps ; car le séjour de la capitale était devenu nécessaire à ses études. De retour à