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éloge de m. de beauvois.

Il est vrai que l’auteur avait quitté la France, et que des idées, qui ne sont pas présentées et défendues par celui qui les a conçues, sont plus sujettes que d’autres à tomber dans l’oubli. La vérité elle-même a besoin de patrons pour se produire avec succès dans le monde, quelque évidente qu’elle puisse être ; à plus forte raison des vues dont la preuve est encore aussi incomplète.

M. de Beauvois n’ignorait pas qu’il s’exposait à ce risque lorsqu’il se détermina à voyager ; mais sa passion pour s’instruire l’emporta sur sa passion pour la gloire ; l’intérêt de ses systèmes, la juste espérance d’entrer bientôt à l’Académie ne lui semblèrent rien auprès de l’honneur d’y entrer avec des titres plus éclatants et plus nombreux.

Il abandonna même ses affaires et sa famille. Ses comptes n’étaient point apurés, sa charge n’était point liquidée ; il se reposait de ces détails, ainsi que de la gestion de ses autres biens, sur une jeune femme qu’il laissait en France, et dont l’inexpérience nuisit beaucoup à sa fortune.

C’était la lecture des voyageurs qui lui avait inspiré ce goût subit. La relation de l’Arabie par Niebuhr, et le récit touchant qu’il fait de la mort de Forskahl, l’avaient transporté au point, qu’il résolut de terminer ce que le naturaliste danois n’avait fait que commencer. Il voulait même, après s’être rendu dans la mer Rouge, traverser l’Afrique et revenir par le Sénégal ou par la Guinée ; et peut-être se serait-il livré à cette téméraire entreprise, s’il eût été le moins du monde secondé par le gouvernement. Mais le contrôleur-général, M. de Calonne, après l’avoir accueilli une première fois avec faveur, le reçut si froidement la seconde, qu’il se détermina à ne plus rien demander à personne, et à ne