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éloge de m. de beauvois.

surpassant encore les habitants du Thibet, ils imaginent qu’il ne mange jamais ; M. de Beauvois pensa être fort maltraité pour avoir témoigné la curiosité d’assister à un de ses repas. Certainement c’est une des doctrines politiques les plus bizarres qu’aucun législateur ait encore établies, que celle qui rend le maître-d’hôtel du prince dépositaire nécessaire du premier secret de l’état ; mais une doctrine plus cruelle, bien qu’elle n’exige pas de secret, c’est celle qui demande sans cesse à ce peuple des sacrifices humains. Ils sont encore très-nombreux au Benin ; et dans les fêtes auxquelles M. de Beauvois fut invité, il eut plus d’une fois l’horreur d’en être spectateur.

Après avoir étudié, autant qu’il le put, les mœurs des nègres de l’intérieur, il revint à Oware, et en partit par une autre route pour Bono-Pozzo, dernière place du royaume du côté du désert. Son projet était de s’engager dans le désert même, et de traverser l’Afrique, s’il avait pu seulement trouver un seul homme pour le suivre ; mais ses nègres l’abandonnèrent, et il se vit enfin obligé de revenir à l’établissement.

Cependant sa faiblesse augmentait à chaque rechute, et une dernière attaque le réduisit à un tel état, que son ami Landolphe ne vit d’autre moyen de le sauver que de l’embarquer de force sur un vaisseau négrier qui se rendait à Saint-Domingue. Partant presque sans en avoir été prévenu, et sur un navire déjà encombré, il ne put emporter avec lui que ses journaux : tout ce qu’il laissait dans les mains de Landolphe fut détruit en 1791, lorsque l’établissement fut pillé par des Anglais, six mois avant la déclaration de guerre ; les papiers même qu’il emporta furent brû-